François Malherbe (1555-1628) bibliophile, par Hector Lefuel (1925)
Dans la quête effrénée du bibliophile-bibliomane, celui qui aime humer le vieux texte autant que le lire, au bout du chemin des grandes éditions originales, des beaux livres illustrés, des grandes séries bien reliées en 20 volumes, ce qui va manquer inévitablement c’est la petite plaquette de 20 pages devenue introuvable. Le plus souvent tirée à très petit nombre, soit feuille volante n’ayant pas été bien conservée au fil des siècles. Ce sont ces viles brochures en feuilles, ces petits papiers de rien que le bibliophile recherchera alors avidement après avoir goulument assouvi ses désirs de « biens beaux livres ».
C’est le cas de cette mince plaquette in-folio (32 x 20 cm) de 15 pages. Intitulée « Malherbe bibliophile » par Hector Lefuel, publiée à Paris, à la Société des collectionneurs d’ex-libris et de reliures, au 64, boulevard de Courcelles (XVIIe) à Paris, en 1925. Sous couverture rose, cette mince plaquette d’un grand format inhabituel est un tirage à part d’un article extrait des Archives de la Société Française des Collectionneurs d’Ex-libris et de reliures artistiques, en février 1925. Le tirage a été de 200 exemplaires numérotés (tous sur le même papier). Celui-ci porte le n°1. Les illustrations hors-texte et dans le texte sont reproduites ci-dessous à leur place.
Laissons la parole à Hector Lefuel :
« Recueillant les souvenirs de Racan et de plusieurs contemporains, Tallemant des Réaux a, dans ses Historiettes, consacré à Malherbe quelques pages d’un agrément assez vif, car le grand poète y est peint sans apprêt. Il apparait tel qu’il était dans la vie : plein d’âpreté et conscient de sa valeur, sensible à toute faute de style comme à une offense personnelle et même, dans son désir d’une perfection peut-être plus grammaticale que littéraire, irascible jusqu’au complet oubli des convenances.
C’est sa bibliothèque et non son œuvre qui doit être étudiée ici. Mais, après l’adulation de Boileau et la réaction du XIXe siècle en faveur de Ronsard, il n’est pas mauvais de reconnaître les grands services que ce probe écrivain a rendus aux Lettres françaises : il a apporté la pureté concise et vigoureuse que nécessitait, après la fécondité à la fois sensuelle et érudite des poète de la Pléiade, le style mol et plein d’affectation de leurs disciples attardés. Et puis, elle est curieuse cette carrière si tardive de Malherbe, débutant officiellement à un âge où, pour beaucoup d’écrivains, elle se clôt. C’est à cinquante ans seulement, en septembre 1605, qu’il fut présenté à Henri IV et qu’il se fixa à Paris, d’abord aux frais de M. de Bellegarde, puis aux siens à partir de 1610, dans un très modeste logis qu’il loua « rue des Petits-Champs, devant la croix, à l’image Notre-Dame) (1). Presqu’en face, se trouvait l’hôpital de ce Baron de Luz qui fut tué d’un coup d’épée, à quelques pas de là, dans la rue Saint-Honoré, par le Chevalier de Guise le 5 janvier 1613, à une heure après midi, alors qu’il revenait du palais du Louvre : dans une lettre de Malherbe à son fils au sujet de ce duel, était joint un petit plan (2) où son logis est indiqué avec précision. « Il était très mal meublé », a écrit Tallemant des Réaux, « et logeait en chambre garnie où il n’avait que sept ou huit chaises de paille… Presque tous les jours, Malherbe faisait, sur le soir, quelque petite conférence avec Racan, Colomby, Yvrande, Touvant et le président Maynard » (3) qui se disaient ses écoliers ; parfois, se joignaient à eux le peintre Daniel Dumoustier qui fit, du poète, ce crayon d’une analyse très réaliste que les gravures de Vostermann et de Briot ont popularisé.
Là, sur d’humbles planches en bois blanc, s’entassaient les livres (4) de sa bibliothèque. Les auteurs grecs étaient en petit nombre, on ne peut guère y citer qu’Homère et la Théogonie d’Hésiode. Mais les classiques latins, - étudiés avec soin, dans sa jeunesse, aux Universités protestantes de Bâle et de Heidelberg -, étaient tous là : Horace, Juvénal, Martial, Properce, Catulle, Pline, Ovide, Virgile « qui n’avait pas l’honneur de lui plaire » et Stace « qui lui semblait bien plus beau ». Un Tite-Live sont il traduisit le XXXIIIe Livre récemment découvert, Sénèque dont il transcrivit en notre langue les Epîtres et le Traité des Bienfaits, les Psaumes de David qu’il paraphrasa avec tant de talent, les Historiae Normannorum scriptores d’André du Chesne. Parmi les Italiens, on pouvait trouver les Sonnets de Pétrarque, l’Aminte du Tasse et Les Larmes de Saint-Pierre par Luigi Tansillo, poème qu’il avait traduit en vers dès 1587. De nombreux volumes de poètes et prosateurs français, les Odes de Du Bellay, les Stances de Bertaut, les Œuvres de Coeffeteau, de Guez de Balzac, l’Histoire Universelle d’Agrippa d’Aubigné, la Traduction de l’Arithmétique de Diophante offerte par son auteur M. de Méziriac, des livres de droit aussi car Malherbe ne craignait pas les procès, étant Normand. Certes, il n’était point de ces bibliophiles qui gardent, « non coupés », leurs livres ; pour lui, ils étaient des instruments de travail et même de polémique, tels son Ronsard dont il avait biffé une bonne moitié, et surtout son exemplaire des Poésies de Desportes, in-8, sorti en 1600 des presses de Mamert Patisson et qui est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Nationale (5). Tout en haut du titre, Malherbe a écrit sa devise DELECTARE IN DOMINO, ET DABIT TIBI PETITIONES CORDIS TUI ; dans le bas il a répété trois fois sa signature pour que nul ne l’ignore, et la date de son commentaire « 1606 ». Ce livre, qui a appartenu aux Président Bouhier et de Bourbonne, provenait antérieurement de Guez de Balzac, et ce dernier avait écrit à son sujet, en 1653, à Conrart : « Je vous dirai pour nouvelle de ma bibliothèque, que j’ai ici un exemplaire de Desportes, marqué de la main de feu de Malherbe et corrigé d’une terrible manière. Toutes les pages sont bordées de ses observations critiques. » (6) C’est en relevant ces milliers d’annotations (7) mordantes du poète, que M. Ferdinand Brunot a pu reconstruire, en une savante synthèse, la Doctrine de Malherbe (8).
Tous les volumes de la bibliothèque du poète, qui sont parvenus jusqu’à nous, avaient été reliés avec grande simplicité et presque toujours en vélin blanc ; ils portent sur le titre, en manière d’ex libris, la signature de Malherbe et souvent aussi sa devise. Aucune reliure à ses armes n’avait été, avant celle m’appartenant, jusqu’à présent signalée (9). Et cependant, François de Malherbe aimait à vanter l’antiquité de sa noblesse, prétendant descendre, par la branche de Saint-Agnan, « d’un La Haye Malherbe qui accompagna le duc Guillaume à la conquête d’Angleterre ». Il notait, en outre, à l’intention de son fils : « Nos armoiries, d’argent à six roses de gueules et des hermines de sable sans nombre, se trouvent tant en une salle de l’abbaye de Saint-Etienne à Caen (10) qu’en une abbaye de Saint-Michel au rivage de la mer, en Basse-Normandie » (11). Mais cette filiation était bien lointaine, et les rieurs n’épargnèrent alors, ni la généalogie, ni le blason. Un ami de Mathurin Régnier, Nicolas Berthelot, - satirique qui fut, peut-être alors, un envieux (12) -, s’amusa à parodier, aux dépens du prétendu descendant de tant de héros, une chanson de Malherbe lui-même :
« Vanter en tout endroit sa race,
Plus que celle des rois de Thrace,
Cela se peut facilement.
Mais que pour les armes d’hermine,
Il ait beaucoup meilleure mine,
Cela ne se peut nullement. » (13).
Les railleurs prétendaient, en effet, que le bisaïeul du poète était un tanneur de Caen, père de Guillaume Malherbe ; et la discussion, qui dura toute sa vie, ne fut point chose close à sa mort. Si en 1644 ses neveux et héritiers obtinrent de l’Intendant de Justice à Caen un arrêt de Maintenue, vingt-deux ans plus tard, en 1666, - le ministre Chamillart faisant procéder à des recherches de noblesse -, le généalogiste officiel écarta cet arrêt de Maintenue rendu, affirmait-on, moyennant finance et par l’influence des Jesuites, et n’accorda aux Malherbe contestés que quatre degrés d’une noblesse d’ordre inférieur, à eux personnelle, et due à des charges de magistrature.
Cette opinion, à laquelle M. Lalanne s’était rangé, a été combattue par un érudit normand, l’abbé Bourrienne (14), dont les recherches généalogiques semblent ne pas trop infirmer les prétentions du poète qui, de toute façon, donna la célébrité à un nom, peut-être ancien, mais obscur. François Malherbe – qui se disait « sieur de Digny », - était, d’ailleurs de son vivant, traité de cousin par F. du Bouillon-Malherbe dont la noblesse n’était point contestée et qui n’aurait pas permis au père du poète de placer, sur les lucarnes de sa maison réédifiée en 1582 à Caen place de la Belle-Croix, l’écusson des armes auxquelles il n’aurait pas eu droit.
Ce sont ces armes qui se trouvent sur la reliure récemment entrée dans ma collection. Cette reliure in-folio (15) de la fin du XVIe siècle, est en veau fauve, le dos orné du titre et de petits fleurons détachés, les plats sertis d’un filet d’or tandis qu’au centre se trouve une fine couronne d’olivier évoquant, dans sa grâce un peu grêle, l’art de Clovis Eve : au-dessus, le poète, qui avait acheté le livre tout relié, fit frapper ses armes. Le volume, Regularum juris civilis pontificii, ex celeberrimis I.V.D. collectarum. Tomus secundus. Lugduni, apud Stephanum Michaëlem, 1587, ne devait pas être inutile à François Malherbe qui avait le goût inné de la chicane et qui de plus fut, de 1594 à 1595, l’un des six Echevins (16) de cette ville de Caen où il passe pour être né en 1555. Le fer à dorer (17), d’une gravure très fine et d’un beau style héraldique, a dû être exécuté dans un atelier de Paris. Nous savons que le poète était en relation avec plusieurs relieurs parisiens et cela sur le désir de son ami Fabri de Peiresc : le 28 octobre 1609, Malherbe écrivait à ce dernier que, la veille, le relieur Provence lui avait recommandé « un gentil garçon reliant bien » (18) et qui, à la demande du poète, consentait à se rendre à Aix pour relier les livres du savant magistrat dont le monogramme ingénieux ne marque guère que d’intéressants ouvrages. Peut-être ce Provence, - que Léon Gruel n’a point cité dans son Manuel historique et bibliographique de l’amateur de reliures -, est-il l’auteur du fer à dorer de Malherbe ? En tout cas, ce dernier usait, aussi, pour sceller ses lettres de nombreux cachets : l’un également à ses armes, montre en des dimensions plus réduites une composition presque identique, avec le heaume taré de deux tiers, montrant cinq barreaux et entouré de lambrequins, tandis que le second cachet plus petit était constitué de l’élégant monogramme du poète.
Ces deux cachets inédits sont relevés sur une longue lettre autographe, datée du 1er novembre 1625, signée de François Malherbe et adressée « à Monsieur de Racan, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roy » : cette pièce (19), qui me parait n’avoir pas été publiée, fait depuis 1918 partie de ma collection. Les 221 lettres originales de Malherbe à Peiresc, conservées à la Bibliothèque Nationale (20), nous révèlent deux autres cachets inédits dont les chiffres, compliqués selon le goût de l’époque, ne sont pas sans receler peut-être des jeux de mots. Ces cachets pourraient préciser utilement la date de certaines lettres de Malherbe qui ne seraient point datées : en effet, si en 1606 le poète se sert de son sceau, à partir de 1608 il en utilise un autre, puis l’année suivante, il commence à employer celui à ses armes, n’adoptant qu’après 1615 le cachet à son chiffre. Quand à sa femme, ses lettres sont scellées naturellement aux armes de Corriolis-Malherbe.
Une curieuse gravure, accompagnant une « Généalogie de Malherbe » écrite de la main du poète, existe dans le même recueil (21), portant cette note contemporaine « Armes des Malherbes de Saint-Agnan » : il est à remarquer que les armes ont été régulièrement blasonnées, puisqu’étant « d’argent » elles ont été gravées « d’azur ». Le style en est très voisin de ceux du fer-à-dorer et du cachet héraldique, en outre deux grandes plumes croisées au dessous équilibrent la composition. Cette gravure, ainsi qu’il a été déjà constaté (22), dut – sans doute assez exceptionnellement – servir d’ex libris qui était collé, contrairement à l’habitude, au verso du titre des volumes, et l’ancienne collection Ernest de Rozière en possédait un exemplaire. Un plus petit ex libris, aussi aux armes de Malherbe mais avec un lion-léopardé pour cimier, existerait également.
A côté de sa bibliothèque parisienne, (23) il faut signaler celle que, soit en puisant dans la sienne, soit en achetant chez les libraires, le poète avait constituée à Aix (24) pour son fils. Ce dernier, Marc-Antoine de Malherbe, né à Aix le 14 décembre 1600, était, depuis la mort de Henri et de Jourdaine, le seul enfant survivant de son mariage avec Magdeleine de Corriolis. Elevé à Aix par sa mère, cet enfant semblait annoncer une heureuse nature. « Le petit Marc-Antoine », écrivait Peiresc au père resté à Paris, « est plus grand que vous l’avez laissé d’un bon demi-pied et je ne vis jamais enfant de son âge si gentil et si éveillé que lui… Il dîna dernièrement chez M. du Périer, où il entretint merveilleusement toute la compagnie et avec des discours très pertinents comme s’il eût été un homme consommé » (25). Et l’année suivante : « Votre petit Marc-Antoine est si gentil maintenant qu’il a le haut-de-chausses qu’il ne se daigne d’aller avec les enfants ; ses discours sont si bien sensés que d’homme de trente ans que je connaisse : il m’a fait des vers en latin d’importance. Ce va être une merveille du siècle, Dieu aidant »… (26) Le père, flatté d’une telle précocité, ne cessait de lui faire parvenir des livres par l’intermédiaire de son ami Peiresc, le savant correspondant de Galilée et de Gassendi. Dès le 16 avril 1609, Malherbe envoie à son fils un Panégyrique de M. de Sully (27), qui semble bien austère pour un enfant de huit ans. Le 20 août 1613, c’est un cadeau plus badin, cette sarabande faite par Gautier sur La Danse des Toupinamboux (28) qui était, en somme, le premier essai de musique nègre. Le 23 novembre 1613, le libraire Claude Cramoisy, - père de Sébastien Cramoisy qui fut directeur de l’Imprimerie du Louvre – fait parvenir à Marc-Antoine « un lexicon grec, une Polyanthée récente et les Chiliades d’Erasme » (29). Le 16 décembre 1613, c’est un « paquet de deux cents autres livres » (30) sans doute prélevés dans la bibliothèque du poète ; en février 1614, c’est l’envoi de cent francs à Mme de Malherbe « pour avoir des livres à Marc-Antoine » (31) ; le 10 mars 1614, le poète s’excuse auprès de Peiresc « d’avoir mis quelques livres pour son fils dans un ballot » envoyé au Conseiller (32), et le 20 mai suivant, il en est de même.
Sur les titres des volumes donnés à son fils et qui lui avaient appartenu, le poète mettait, outre sa signature, le verset 4 du Psaume XXXVI, dont il avait fait sa devise DELECTARE IN DOMINO, ET DABIT TIBI PETITIONES CORDIS TUI : « Fais du Seigneur tes délices, et il te donnera ce que ton cœur désire ». Le père, en outre, y ajoutait des Ex-dono autographes, tantôt « Fr. Malherbe » pour son fils Marc-Antoine, à Paris, 1619 » comme sur l’exemplaire m’appartenant (Planche II), tantôt « Filio suo, Marco Antonio, Fanciscus Malherbe, Parisiis, 1619 » tel l’exemplaire signalé par Alexis Martin (33).
un sonnet extrait des Poésies publiées par Barbin en 1689
Marc-Antoine, après avoir en 1615 brillamment soutenu ses « thèses en philosophie », vint deux ans plus tard à Paris, auprès de son père. Cependant, bientôt les préférences du jeune homme le portaient vers l’état militaire. Pendant que Fr. Malherbe sollicitait pour son fils une charge de Conseiller au Parlement d’Aix, Marc-Antoine trouvait le moyen de se faire coup-sur-coup, dans cette ville, deux mauvaises affaires. La seconde surtout était fort grave puisqu’il venait de tuer en duel au mois de juin 1624 un bourgeois de la ville, Raymond Audibert. Le Sénéchal d’Aix ayant prononcé contre Marc-Antoine une condamnation à mort, le poète fit appel au Conseil du Roy qui renvoya l’affaire au Parlement de Dijon pendant que son fils se réfugiait en Normandie : des Lettres de Grâce furent enfin obtenues, sur la recommandation expresse et instante de la reine Marie de Médicis, le 13 février 1627. Cinq mois plus tard jour pour jour, le 13 juillet, à quatre lieues d’Aix, Marc-Antoine périssait à son tour dans une querelle avec Gaspard de Bovet, baron de Bromes et avec le beau-frère de celui-ci, Paul de Fortia, seigneur de Piles. Malherbe cria à l’assassinat et un sonnet (34), magnifique d’indignation, nous a révélé toute la profondeur de son affection paternelle.
Que mon fils ait perdu sa dépouille mortelle.
Ce fils qui fut si brave, et que j’aimai si fort :
Je ne l’impute point à l’injure du sort.
Puisque finir, à l’homme, est chose naturelle.
Mais que de deux marauds la surprise infidèle
Ait terminé ses jours d’une tragique mort,
En cela ma douleur n’a point de réconfort,
Et tous mes sentiments sont d’accord avec elle.
O mon Dieu, mon Sauveur, puisque par la raison
Le trouble de mon âme étant sans guérison,
Le vœu de la vengeance est un vœu légitime.
Fais que de ton appui je sois fortifié.
Ta justice t’en prie ; et les auteurs du crime
Sont fils de ces bourreaux qui t’ont crucifié (35).
Page de titre de la seconde édition des Poésies de Malherbe,
donnée par Barbin avec les observations de Ménage, 1689. In-12
Le poète écrivait, en outre, dans des lettres pressantes à Louis XIII qui promit de lui faire rendre justice. Mais, bien que Malherbe lui eût adressé en même temps la belle Ode au Roi allant châtier la rébellion des Rochelois, les meurtriers échappèrent à sa vengeance. Malherbe fit alors, en juillet 1628, le voyage de La Rochelle pour, de nouveau, supplier le roi. C’est pendant son séjour au camp des assiégeants, qu’il prit la maladie qui le terrassa définitivement à Paris, le vendredi 6 octobre, à l’âge de soixante-treize ans ; il logeait alors « rue des Fossés-Saint-Germain-l’Auxerrois, devant l’hôtel de Longueville. » On ignore – puisque son acte de baptême n’a pu, jusqu’à présent, être trouvé –, dans laquelle des deux églises qui se partageaient la France, Malherbe fut élevé ; il mourait toutefois catholique, paraissant avoir limité sa mystique, selon sa propre boutade, « à la religion du Prince ». Mais, jamais son scepticisme n’atteignit son art, pas plus que chez un autre mainteneur de la langue française, Anatole France. Et, - de même que M. Brousson (36) a pu nous montrer ce dernier subissant brimades et rebuffades de sa servante Joséphine dont il ne reprenait jamais les impropriétés de termes -, de même, grâce à Racan (37), il nous est permis de recueillir, avec les dernières paroles de Malherbe, l’aveu de ce qui fut le but de toute sa vie : « On dit qu’une heure avant de mourir, après avoir été deux heures à l’agonie, il se réveilla comme en sursaut pour reprendre son hôtesse, qui lui servait de garde, d’un mot qui n’était pas bien français à son gré ; et, comme son confesseur lui en fit réprimande, il lui dit qu’il ne pouvait s’en empêcher et qu’il voulait, jusques dans la mort, maintenir la pureté de la langue française. »
Hector Lefuel. »
(1) Lalanne : Œuvres de Malherbe, 1862, in-8, tome III, p. 14.
(2) Lalanne : Oeuvrs de Malherbe, tome III, p. 282.
(3) Tallemant des Réaux : Historiettes : 1840, in-12, tome I, P. 245, 257.
(4) Ces ouvrages sont relevés soit dans son œuvre quand il s’en inspira, soit dans sa correspondance où il les cite.
(5) Ye. 2067. (Réserve). Cet exemplaire fut, dès le XVIIe siècle, considéré comme si précieux par ses annotations, que des copies en furent faites. La bibliothèque de l’Arsenal en possède deux : la première copie (B.L. 6582) est rendue très intéressante par quelques additions qui ne se trouvent point dans l’exemplaire de la Bibliothèque Nationale et proviendraient, peut-être, d’un autre Desportes annoté par Malherbe et aujourd’hui disparu ; la seconde copie (B.L. 6583) , d’un intérêt moindre, a appartenu à Charles Nodier.
(6) Œuvres de Guez de Balzac, in-folio, tome I, p. 957.
(7) On pourra s’en rendre compte par les pages 34 et 35 du Desportes reproduites ci-après, Planche I.
(8) 1891, in-8.
(9) Sauf dans une note manuscrite du libraire A. Claudin, en date du 28 août 1873 et accompagnant un petit in-folio, veau aux armes de Malherbe : Placitorum summoe apud Gallos Curioe libri XII, Paris, 1556 (catalogue Lemallier, avril 1923, n° 1550).
(10) Ces armoiries, ainsi exposées, ne remontent pas au-delà du XIVe siècle.
(11) Instruction de Malherbe à son fils, Edition Lalanne, tome I, p. 332.
(12) Le duc Albert de Broglie : Malherbe, 1897, in-16, p. 8.
(13) Le Cabinet satyrique, 1618, in-12, p. 605. Malherbe d’après Ménage, fit alors bâtonner Berthelot par un gentilhomme de Caen, La Boulardière.
(14) Malherbe, points obscurs et nouveaux de sa vie normande, 1895, in-8.
(15) Hauteur 35 X 23 cm.
(16) Par plus de 90 voix, Malherbe fut élu, le 23 février 1594, et le premier de la liste.
(17) Il n’est pas signalé dans le Nouvel Armorial du bibliophile de Guigard et était resté, jusqu’à présente, inédit.
(18) Lalanne, Œuvres de Malherbe, tome III, p. 115.
(19) Bulletin Noël Charavay, juin 1918, n° 86476.
(20) Manuscrits, Fonds Français, n° 9535.
(21) Idem, p. 191 : la gravure a 20 x 16 cm
(22) Cette gravure a été signalée dans Recherches biographiques sur Malherbe et sa famille, Aix, 1840, in-8, par Roux-Alpheran qui l’avait trouvée sur les traités des droits et libertés de l’Eglise gallicane, Paris, 1609, in-4, dont le titre portait signature du poète et un ex-dono à son fils daté de 1619. Elle a été reproduite de plus, ainsi que le signale le Dr. Eug. Olivier, dans Poulet-Malassis : Les ex-libris français, 1875, in-4, p. 16.
(23) La moitié en fut léguée par le poète à son cousin François d’Arbaud de Porchères, avec le droit de faire imprimer ses œuvres, ce qu’il fit chez Ch. Chappellain en 1630.
(24) Cette bibliothèque restées à Aix passa, après la mort de Marc-Antoine, à sa mère ; au décès de cette dernière, elle appartint à la famille d’Eguilles et fut dispersée à l’époque de la Révolution.
(25) Bibliothèque de Carpentras, Manuscrits de Peiresc : Correspondance, vol. H.-M., f° 454, 456.
(26) Ibid, f° 477, 513.
(27) Lalanne, Œuvres de Malherbe, tome II, p. 85
(28) P. 327
(29) P. 355
(30) P. 367
(31) P. 391
(32) Cette signature elle-même varia : à l’origine, il écrivait « Fr. de Malerbe », puis, à dater de décembre 1609, il adopta « Fr. Malherbe ».
(33) Ed. Rouveyre : Connaissances nécessaires à un bibliophile, in-8, tome VI, p. 198. – Signalons aussi un autre volume dont le titre porte la signature et la devise de Malherbe, Raderi, 1611, in-folio, avec sa reliure en vélin blanc ancien, tranches rouges : ce volume, qui fit partie de la Bibliothèque Ambroise Firmin-Didot, est passé, le 25 mai 1909, à la vente Victorien Sardou, Ière partie, n° 108, et a été adjugé 1.810 fr. au libraire Leclerc.
(34) Paru en 1628.
(35) Paul de Fortia passait, à tort ou à raison, pour être d’origine juive. Mais François Malherbe n’avait pas attendu cette cruelle épreuve pour manifester de l’antisémitisme et dès 1622, dans une lettre à son cousin de Colomby, nous devons en constater la très nete affirmation.
(36) Anatole France en pantoufles, 1924, in-12, p. 58-60.
(37) Œuvres complètes de Racan, 1857, in-12, tome I, p. 253.
Pour évocation conforme,
Bertrand